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samedi 31 décembre 2016

La triple expérience


Suite des questions autour du non-amendé


Quelqu'un demanda au précieux [mentor] :
- Comment c'est lorsqu'on reconnaît l'essence de sa pensée ?

- C'est reconnaître le non-amendé comme non-amendé. C'est la nature de la pensée qui est naturellement présente, sans ne rien empêcher ni corriger.

Moi aussi, je fixe le non-amendé. En fixant le non-amendé, la gnose de la non-dualité surgit d'elle-même sans besoin d'aucun dissentiment ni assentiment. Elle est libre de représentation (sct. avikalpa). Sans raison, comme un muet qui goutte de la mélasse ou comme une jeune fille amoureuse, ce qui est mis en évidence par la gnose de la non-dualité, c'est la présence lucide (tib. gsal ba). Lorsqu'elle se manifeste comme non-représentation et présence lucide, toutes les fluctuations dualistes s'arrêtent d'elles-mêmes et s'en vont.

À ce moment, la pensée est libre (tib. bde ba sct. sukha). Quand la pensée est libre, le corps est libre, et de la même manière, les effets des qualités visibles (tib. mthong chos) de l'expérience de liberté (tib. bde ba), de présence lucide (tib. gsal ba) et de non-représentation (tib. mi rtog pa) se prolongeront dans la vie quotidienne.

L'expérience non-duelle de liberté, de présence lucide et de non-[représentation] est extralucide[1]. Si ce qui surgit comme multiplicité, est libre de lourdeur (tib. bying ba)[2], il surgit de façon non-duelle. Les proliférations (tib. 'phros pa) à partir de la saisie dualiste s'appellent "agitation". En les laissant évoluer sans les amender (tib. ma bcos par), elles se dégagent de la saisie dualiste. Les blocages (tib. bdud) de la lourdeur et de l'agitation disparaîtront progressivement.

***

[1] Le subst. fém. extralucidité signifiant « lucidité très forte ».

[2] Litt. bying ba = être submergé, immergé, enfoncé dans.

Texte tibétain en wylie

yang rin po che la/
- rang gi sems kyi ngo bo shes pa ji lta bu lags zhus pas/

- ma bcos pa la ma bcos par shes pa de yin gsung ngo*/ sems nyid kho rang spang bya dang gnyen po thams cad dang bral bar 'dug pa de yin/

nged kyis kyang ma bcos par bzhag/ ma bcos pa bzhag pas/ dgag sgrub kyi bya rgyu dang bral nas gnyis med ye shes rang 'char te/ de ni mi rtog pa yin/

lkugs pas bu ram mur pa'am/ gzhon nu mas (5ba)'dod chags kyi bde ba myong ba lta bu'i rgyu med par/ gnyis med kyi ye shes gsal ba de ni gsal ba yin/

mi rtog pa dang gsal bar byung tsa na/ gnyis 'dzin gyis bya rgyu thams cad rang shugs kyis 'gags nas 'gro/ de tsa na sems bde/ sems bde bas lus bde ba ltar/ bde gsal mi rtog pa gsum gyi phan yon mthong chos kyi las tshe 'di la 'byung ngo*/

gnyis med mi gsal bde la shin tu gsal ba ste/ sna tshogs su 'char ba 'di bying ba dang bral na gnyis med du 'char ro/

gnyis 'dzin las 'phros pa la rgod pa zer ba yin te/ ma bcos par rang dgar bzhag pas gnyis 'dzin las bral zhing*/ bying rgod gyi bdud dang bral nas 'gro'o/

mardi 20 décembre 2016

Ni espoir ni crainte

Suite des questions autour du non-amendé

- Reconnaît-on [la gnose de la non-dualité indéfinissable] par la pratique, ou la reconnaît-on par la non-pratique ?
- Si on la reconnaît par la pratique, elle deviendra [elle-même] une représentation. Si on la reconnaît sans la pratique, elle ne pourra pas s'effacer d'elle-même, ou si elle s'efface, elle se détériore puis s'en va.

- Certains disent que si on arrive à retenir [la gnose de la non-dualité indéfinissable] par l'attention (tib. dran pas zin), même si on tuait mille personnes, on n'irait pas dans les enfers. Or, est-ce qu'elle est retenue par l'attention en pratiquant ou sans pratiquer ?
- Si c'était par la pratique, elle se perdrait par la volonté. Si c'était sans la pratique, elle s'effacerait d'elle-même, mais en se détériorant puis en s'en allant.

- Comment faire alors ?
- Si on la retient par l'attention sans appliquer (tib. sgom) aucun dissentiment ni assentiment, toutes les représentations surgiront comme la gnose de la non-dualité (sct. advayajñāna). Commettre des actes nuisibles comme tuer des gens etc. sans donner son dissentiment ou assentiment serait un non-sens (tib. don med). Puisque cela est en contradiction avec les traditions (sct. āgama) attribuées au Bienheureux, tous ceux qui parlent de la sorte pratiqueraient à l'envers.
Si on se préoccupait de retenir ou ne pas retenir [la gnose de la non-dualité indéfinissable] par l'attention, ou si on craignait la production de représentations, la gnose de la non-dualité deviendrait vacillante[1]. Si la pensée devient trop loquace (tib. kha drag), on court le risque (tib. nyen yod) que cela nuise à la santé (tib. khams mi bde), qu'on déprime (tib. snying rlung 'jug) ou qu'on perde la raison (tib. smyon par 'gro). C'est pourquoi il ne faut jamais se préoccuper ni des espoirs ni des craintes. 

***

[1] litt. sera tiraillée par ci et par là


Texte tibétain en Wylie

'ga' zhig na re/ dran pas zin na mi stong bsad kyang ngan song du mi 'gro zer ro// 'o na bsgoms pas dran pas zin nam/ (4ba)ma bsgoms pas dran pas zin byas pas/ 

bsgom na blor 'gro ma bsgoms na rang grol lam byas na yang rdugs nas 'gro bar ‘dug_/

'o na ji ltar yin na/ 

dgag sgrub gang yang mi sgom pa'i dran pas zin na rnam rtog thams cad gnyis med kyi ye shes su 'char ro//
dgag sgrub kyi rgyu med pa la mi gsod pa la sogs pa sdig pa'i las bya ba'i don med do// bcom ldan 'das kyi lung dang 'gal bas de skad du smra ba thams cad chos log tu shes par bya'o//

dran pas zin pa dang ma zin pa dang*/ rnam rtog 'phros pa la nyam nga rtsis gdab byas na/ gnyis med kyi ye shes la phar then tshur then byas pas/ sems kha brag tu song nas khams mi bde/ snying rlung 'jug_/smyon par 'gro nyen yod pas/ re dwogs kyi rtsis gdab ye mi bya/

dimanche 18 décembre 2016

Questions autour du non-amendé (tib. ma bcos pa)




Extrait de la Compréhension suffisante qui intègre les manifestations (tib. snang ba lam 'khyer gyi rtogs pa cig chog)*


[Les représentations] sont bienveillantes. Quand il n'y en a pas, le non-amendé (tib. ma bcos pa) se développe de lui-même. Percevoir seul [le non-amendé] est stérile (tib. 'thums) et la non-représentation ne se produira pas à partir d'un état vague (tib. ra ri).[1] En outre, la nature du monde (tib. 'jig rten pa'i rang bzhin) doit rester telle qu'elle est (tib. rang ka ma). C'est ainsi, que le non-amendé qui ne fait pas l'objet d'un dissentiment ou assentiment, est compris comme la non-dualité qui se libère d'elle-même. Quelqu'un demanda alors au Seigneur du clan de sNyi[2]
- Cette pratique de l'absence de nature de la pensée, n'est-elle pas elle-même une voie intellectuelle (tib. blo mi 'gro ba) ?

- La pensée n'a pas de nature propre (sct. svabhāva). C'est de l'eau se dissolvant dans l'eau. Pas besoin de pratiquer cela en permanence.[3]


On retrouve ce sens ultime [des représentations] aussi dans les propos du mentor à-la-peau-de-chien[4].
- Mais, les êtres mondains laissent eux aussi se déployer librement leurs représentations. Il n'y a alors pas de différence avec un pratiquant qui laisse se déployer librement la perception ordinaire (tib. tha mal gyi shes pa) ?

- Il n'y a pas de différence, mais on peut se demander si les êtres mondains laissent aussi s'effacer les représentations d'elles-mêmes. Comme les êtres mondains ne disposent pas des instructions de réintégration, ils ne pourront pas reconnaître la non-dualité. Par conséquent, tout ce qu'ils font c'est donner leur dissentiment ou assentiment [à des représentations].

Même s'ils ont reçu ces instructions, comme la gnose de la non-dualité est indéfinissable (tib. nges med) et peut se présenter sous diverses formes, il est possible qu'ils ne fassent alors pas confiance à leur expérience et que celle-ci se manifeste sans libérer les représentations dualistes.

Il arrive que les adeptes religieux (tib. chos pa) font leur entraînement associé avec les souffrances dualistes de l'étude, la réflexion et la méditation. Si le pratiquant (yogi) est libre de la cause du dissentiment-assentiment, les représentations de la gnose de la non-dualité indéfinissable se présenteront sous les diverses formes de la plénitude. La différence entre ces deux approches dépend de si le point crucial (tib. gnad ka) est touché.

Quand on interroge des pratiquants sur la différence, ils la connaîtront. Les êtres mondains ne la connaîtront pas.

- Reconnaît-on [la non-dualité] par la pratique (tib. bsgoms nas), ou la reconnaît-on par la non-pratique ?

- Si on la reconnaît par la pratique, celle-ci deviendra [elle-même] une représentation. Si on la reconnaît sans la pratique (tib. ma bsgoms par), elle ne pourra pas s'effacer d'elle-même, ou si elle s'efface, elle se détériore puis s'en va.[5]


***

* Aussi connu sous les titres phyag rgya chen po'i rtsa ba la ngo sprad pa et phyag rgya chen po gnyug ma mi 'gyur

[1] La non-représentation n'est pas l'absence de représentation, mais le dépassement de la représentation et de l'absence de représentation.

[2] Gampopa

[3] Voir la loi de l’effort converti de l'école de Nancy, ou la méthode Coué. Voir aussi Michel Larroque, Volonté et involonté p. 143) :
"Le génie de Molinos est d'avoir découvert avant la nouvelle école de Nancy la loi de l'effort converti. Sans doute fin observateur, il constate que l'effort, dans certaines conditions, loin d'aboutir à un résultat positif se retourne contre le projet qui l'a suscité. C'est la raison pour laquelle il recommande de demeurer en paix, même dans les distractions ou les tentations et "Le pèlerin qui va à Rome, écrit-il, ne se dit pas continuellement "je vais à Rome". Il se contente de marcher. De même, celui qui est reçu par le roi extravague s'il répète sans cesse : "Sire c'est bien vous qui êtes devant moi". De même, il est inutile de faire des actes réfléchis dans l'oraison, et même dans la vie une fois qu'on l'a délibérément consacrée à Dieu."

[4] Khyi thul can, nom dérogatoire donné par des kadampa à Milarepa. Le nom dérogatoire est repris ici comme un ornement. C’est sans doute Gampopa qui pose les questions et qui rapporte les propos.

[5] Autrement dit, la représentation est nécessaire. La réalisation est de reconnaître « l’expérience » dans la représentation même.

Texte tibétain Wylie


khong bka' drin che/ khong dang ma phrad tsa na/ ma bcos pa rang sgom pa yin/ de rang du shes pa 'thums nas rtog med ra ri las ma byung*/ de bas 'jig rten pa'i rang bzhin rang ka ma song*/ khong gi des/ dgag sgrub (4na)med pa'i ma bcos pa de gnyis med rang grol gyi der go de nas/ rje btsun snyi sgom la/ - sems rang bzhin med par sgom pa de rang blo mi 'gro'am zhus pas/ 
- sems rang bzhin med do// chu la chu thim mo// rtag tu sgom mi dgos gsung*/ 

don gyi bla ma khyi thul can gyi gsung na 'dug go/ 
- 'o na 'jig rten pa rnams kyang rnam rtog rang gar ‘dug/ rnal 'byor pa yang rang ga tha mal gyi shes par 'dug pa la de gnyis la khyad par ci yod/ 
- khyad par med na 'jig rten pa la yang rang grol du mi 'gro'am snyam na/ 'jig rten pa la rnal 'byor pa'i gdams ngag med pas gnyis med ngo ma shes te/ dgag sgrub gnyis 'dzin 'ba' zhig byung ngo*// gdams ngag thob kyang*/ gnyis med kyi ye shes nges med sna tshogs su 'char ba la yid mi ches pas/ gnyis 'dzin gyi rnam rtog las grol sa med par skyes so//

chos pa rnams kyang*/ thos bsam sgom gsum gyi gnyis 'dzin gyi sdug bsngal gyis sbyangs so// rnal 'byor pa ni/ dgag sgrub kyi rgyu dang bral nas/ gnyis med kyi ye shes nges med kyi rnam rtog bde ba chen po sna tshogs su 'char ro//

- de gnyis kyi khyad par ni gnad ka de las byung ngo*// 
- rnal 'byor pa 'ga' zhig la de gnyis kyi khyad par dris tsa na/ rnal 'byor pas ngo shes pa yin/ 'jig rten pas ngo ma shes pa yin zer/ bsgoms nas ngo shes sam/ ma bsgoms nas ngo shes/ bsgoms nas ngo shes na rnam rtog tu 'gro/ma bsgoms par shes na rang grol du mi 'gro'am byas na rdugs nas 'gro bar 'dug go/




vendredi 9 décembre 2016

La réintégration du Naturel II




La réintégration du Naturel II[1]

Quel est le Naturel que l'on réintègre ? Il s'agit du Discernement (tib. rig pa) et de la vacuité qui sont le Naturel. Cela ne veut pas dire qu'elles soient présentes de façon individuelle et différenciée. La réintégration du Discernement [au cours des expériences de luminosité (tib. gsal ba), de plénitude (tib. bde ba) et de vacuité (tib. stong pa), est la réintégration du Naturel. Elle se divise en deux : l'armure de la vue et l'armure de la sagesse.

1. L'armure de la vue

Elle consiste en quatre sortes de caractéristiques :

1.1. la caractéristique de la perception,
1.2. la caractéristique de la particularité,
1.3. la caractéristique de l'agent,
1.4. la caractéristique de l'essentialité.

1.1. La caractéristique de la perception

Au départ, [la perception] n'est pas produite, au milieu elle ne dure pas et à la fin elle n'est pas détruite. Elle n'existe pas en une couleur ou une forme et elle est libre de toute complexité (sct. aprapañca). Elle est le principe (sct. artha) inidentifiable, et qui n'est cependant pas non-existante.

Le fait qu'elle est inengendrée correspond au corps réel (sct. dharmakāya).
Le fait qu'elle est infinie correspond au corps symbolique (sct. sambhogakāya).
Le fait qu'elle ne dure pas correspond au corps fonctionnel (sct. nirmāṇakāya).
Le fait que son essence ne peut pas être identifié correspond au corps essentiel (sct. svābhāvikakāya).

L'établir comme le quadruple corps est la caractéristique de la perception.

Elle n'est pas non-existante, mais un flot unifié et ininterrompu de manifestations et d'intelligence, qui dure dans le temps, c'est cela la caractéristique de la perception.

1.2. La caractéristique de la particularité
La caractéristique de la perception, qui n'est pas quelque chose, est l'émergence des diverses représentations. L'émergence, en tant que l'essence de ce qui n'est pas une chose, se manifeste comme une perception vive, non obnubilée par des représentations. Sa stabilité est la caractéristique de la particularité.

1.3. La caractéristique de l'agent

Ce sont les représentations de la nature des choses qui émergent comme la diversité. En l'absence d'un agent, les diverses représentations émergent comme la nature des choses. C'est la caractéristique de l'agent.

1.4. La caractéristique de l'essentialité

Le principe simple (sct. tathārtha) est goûté dans l'Élément authentique. C'est la caractéristique de l'essentialité.


2. L'armure de la sagesse

On récite à trois reprises les formules de la sagesse[2] correspondant à la phase de l'étude «l'inengendré,… » etc.

La sagesse qui provient de la réflexion consiste en la compréhension de ce principe. La sagesse qui provient de la pratique consiste en les quatre réintégrations (sct. yoga[3]).

1. Sans se disperser de l'essence du Discernement, reconnaître tout ce qui se manifeste, et tout ce qui est remémoré comme pensée. Sa présence est la réintégration de la concentration unifiée (sct. ekāgra).

2. Si, lors de concentration unifiée, une représentation [surgit], i. la maîtriser immédiatement ii. la retracer.[4] Après avoir intégré les représentations de la sorte, elles deviennent iii. Indispensables et bienveillantes[5], car elles sont la réintégration de la non-complexité (sct. aprapañca)[6].

3. Lorsque, tout en restant dans la continuité de cet état, on s'engage dans des chemins de traverse, et que l'on reconnaît les apparences extérieures comme une réalité flottante (tib. ban bun), c'est la réintégration de la saveur unique (sct. ekarasa) de la diversité.

4. Si on se familiarise avec celle-ci, le Discernement brut demeure seul, sans être obnubilée par des représentations. À ce moment, on laisse cette familiarisation évoluer jusqu'à ce qu'elle aboutit au corps réel (sct. dharmakāya). C'est la réintégration de la non-méditation[7].

Cela termine l'exposé des armures de la vue et de la sagesse. J'ai pu faire l'expérience des instructions du bon lama. Toutes les représentations sont la pensée. Reposez-vous en l'état continu qui n'a ni naissance, ni durée ni destruction, et sans vous disperser.


***

[1] Ceci est le dernier des deux textes faisant partie de La transmission de la double armure du Sceau universel (tib. phyag chen go cha gnyis kyi man ngag), attribuée à Gampopa. Ils font partie de son œuvre complète (tib. gsung ‘bum).

[2] Il s’agit sans doute des formules que l’on trouve dans le premier texte de la réintégration du Naturel. « Inengendrée, infinie, et sans durée, la pensée n'a pas de réalité concrète. »
Ainsi, en répétant trois fois la formule, on développe la sagesse de l'étude.

[3] Il s’agit des « quatre yoga » de la mahāmudrā.

[4] Voir la triple méthode du maître kadampa Tcharioua.

[5] Voir l’explication de la troisième branche de la méthode de Tcharioua.

[6] Ou de la diversité, ou de la manifestation. D'abord sont intégrées les représentations, ensuite est intégrée l'absence de représentation.

[7] Appelée « réintégration du recueillement universel » dans le premier texte de La réintégration du Naturel.

La triple méthode de l'Ami Tcharioua




Extrait de l'Introduction au sens ultime des représentations (rnam rtog don dam gyi ngo sprod)

Voici les instructions de l'Ami (sct. kalyāṇamitra) Tcharioua (lCags ri ba).[1]

Si au moment où un grand contemplatif est en contemplation, la représentation se produit,
1. la maîtriser dès qu'elle se présente 2. la retracer[2] 3. non-existente elle est pourtant manifeste.

Dès que la représentation se produit, il la neutralise en la déterminant comme non engendrée. C’est appelé la maîtriser dès qu'elle se présente (1).

S'il n’y réussit pas dès qu'elle se produit, il la retrace. D'où vient la représentation ? Elle vient de la pensée. Elles disparaît en pensée. Elle est indifférenciée de la pensée. C’est appelé la retracer (2).

Elle est non-existante et néanmoins manifeste (3). Elle est ce qui est prépondérant (tib. lci ba) dans toute perception, ce qui est malaisé comme expérience, et à la fois non-existent et manifeste.

Quand on renonce à la vie au foyer, la nécessité de connaître les quatre [voeux] racine est prépondérante. Ceux-ci sont à la fois non-existants et manifestes. Ils sont des représentations. La représentation est la pensée. Et la pensée est inengendrée (sct. unatpāda).

Par exemple, dans le cas d'un feu de forêt, un petit feu peut être soufflé et s'éteindre par un coup de vent. Mais si une grande forêt s'embrase, le vent l'attiserait. Si de nombreuses bûches de bois se mobilisaient pour faire la guerre au feu, le feu dirait : « Je vous en prie, venez encore plus nombreux ! Plus vous serez nombreux, et plus je serai heureux ! » De même, avoir beaucoup de représentations stimule la sagesse. Tout, y compris la terre et les pierres peuvent la stimuler.

De la même façon, quel que soit le nombre de représentations, la sagesse en fera son affaire. C'est encore comme de la neige tombant sur un lac, dès qu'elle tombe dans le lac, elle devient de la même essence (sct. rasa) que le lac.

De même, toutes les représentations, dès leur émergence, partagent la même essence que le Naturel (sct. sahaja). C'est comme lorsqu'on revoit une vieille connaissance. Quand on rencontre [par hasard] une vieille connaissance, on n'a pas besoin d'investiguer si c'est elle ou pas. De la même façon, on n'a pas besoin d'investiguer les représentations, pour les reconnaître comme l'inengendré.

Voilà les explications de mon Ami Tcharioua.

***

[1] Ces instructions de lCags ri ba se trouvent également dans La transmission de la double armure du Sceau universel (phyag chen go cha gnyis kyi man ngag) p.458 W23439-1749-eBook. pdf (448 - 460). Là, Gampopa les qualifie d'instructions de valorisation (tib. lam khyer).

[2] sNyog pa = 'ded pa, poursuivre, phyi snyog pa, poursuivre en arrière = retracer

La réintégration du Naturel I (texte)



La réintégration du Naturel I[1].

La réintégration du Naturel est l'intégration à l'aide d'une double armure : l'armure de la vue (sct. dṛṣṭi) et l'armure de la sagesse (sct. prajñā).

1. L'armure de la vue

1.1. la caractéristique de la perception, 1.2. la caractéristique de l'agent, 1.3. la caractéristique des particularités, 1.4. la caractéristique de l'essence.

1.1. La caractéristique de la perceptionC'est la sagesse qui connaît les caractéristiques de la pensée. À savoir, le fait qu'elle est inengendrée correspond au corps réel (sct. dharmakāya). Le fait qu'elle est infinie correspond au corps symbolique (sct. sambhogakāya). Le fait qu'elle ne dure pas correspond au corps fonctionnel (sct. nirmāṇakāya). La diversité qui se déploie à l'intellect qui accède à ce triple corps est inexprimable (sct. nirabhilāpya). Mais son essence non-identifiable n'est pas un objet intellectuel. C'est le corps essentiel (sct. svābhāvikakāya).
Reconnaître ces caractéristiques de la pensée comme le quadruple corps, est la caractéristique de la sagesse.

1.2. La caractéristique de l'agent[2]
Les représentations sont le quadruple corps, mais en absence d'un agent, la nature des choses devient comme une illusion.[3]

1.3. La caractéristique des particularités
Comme toutes les représentations sont la nature de la pensée, il faut les reconnaître comme le quadruple corps et ne pas les rejeter.

1.4. La caractéristique de l'essentialité
Les représentations se déploient spontanément comme le quadruple corps, dès l'origine. Ainsi, en comprenant qu'aucune chose n'échappe aux quatre caractéristiques, on est muni de l'armure de la vue.


2. L'armure de la sagesse

Se placer en la posture du diamant (sct. vajrāsana), dresser le corps, fixer le bout du nez du regard, et placer les mains ensemble. Après avoir adopté ces [quatre] sceaux, [réciter] :
« Afin de réaliser l'état d'éveil pour le bien des êtres, je développerai ce principe profond. »
Pensant ainsi, on développe la motivation de l'éveil.

L'oeil de la sagesse regarde la pensée.
En mots :
« Inengendrée, infinie, et sans durée, la pensée n'a pas de réalité concrète. »
Ainsi, en répétant trois fois la formule, on développe la sagesse de l'étude.

Pour ce qui est du sens de ces mots, la pensée n'a jamais été engendrée. Même si un jour elle s'arrêtait, elle s'arrêterait, mais sans que l'arrêt ait une cause. Même si elle durait, combien de temps durerait-elle ? Du fait qu'elle n'est ni engendrée, ni détruite elle ne peut pas durer. Elle n'a pas de réalité concrète. Comme aucune forme, ni couleur ne peut être vérifiée, on acquiert la certitude qu'elle n'a aucune consistance, ni identité.
C'est la sagesse qui provient de la réflexion.

Quand on comprend le sens ainsi obtenu, l'intelligence (tib. sems pa), semblable au centre parfaitement pur de l'espace insaisissable, est la sagesse qui provient de la méditation.
À ce propos, si, s'étant dispersé, des représentations se produisent, et que l'on se demande ce qu'il faut faire, il faudra en regarder l'essence, sans les rejeter par la volonté.

[Les représentations] sont nécessaires. Regarde-les avec une grande bienveillance. Considère-les comme indispensables. Pourquoi cela ? Parce que toutes les qualités y sont naturellement présentes, elles sont des représentations inhérentes de leur essence. C'est ainsi que l'on intègre les représentations, et que les représentations s'éteignent et se purifient d'elles-mêmes.

Par exemple, tout comme la glace fond dans un lac, ou que les nuages se dissipent dans le ciel, tout ce qui est une qualité apparaît de lui-même sans s'arrêter. Quand on a compris qu'il s'agit d'un effet temporaire, on développe la force de la sagesse graduellement, de la façon suivante :

1. réintégration de la concentration unifiée (sct. ekāgra)
2. réintégration de l'absence de complexité (sct. aprapañca)
3. réintégration de la saveur unique (sct. ekarasa) de la multiplicité
4. réintégration du recueillement (P. samāpatti) universel [4]

***

[1] Les deux textes avec ce titre font partie de La transmission de la double armure du Sceau universel (tib. phyag chen go cha gnyis kyi man ngag), attribuée à Gampopa. Ils font partie de son œuvre complète (tib. gsung ‘bum).

[2] 1.2 et 1.3 sont inversés dans cette présentation. J’ai corrigé leur position, aussi par rapport au deuxième texte sur le même sujet.

[3] La nature des choses se cache dans la Nature.

[4] Mieux connue sous le nom de « non-méditation ». Il s’agit ici des « quatre yogas » de la mahāmudrā.



Texte tibétain Wylie

lhan cig skyes sbyor ni go cha gnyis kyis lam du ‘khyer te/ lta ba’i go cha dang/ shes rab kyi go cha’o/

1. [lta ba’i go cha]1. dang po ni/ 1. shes pa’i mtshan nyid dang/ 2. khyad par gyi mtshan nyid dang/ 3. byed pai’ mtshan nyid dang/ 4. ngo bo’i mtshan nyid do//

1.1. shes pa’i mtshan nyid/ shes rab kyis sems kyi mtshan nyid shes par bya ste/ skyes ba med pa chos sku/ ‘gag pa med pa longs sku/ gnas pa med pa sprul sku shes par bya’o/ sku gsung rtogs pa’i blo la sna tshogs brjod du med pa’o/ ngo bo ngos bzung dang bral ba blo’i yul las ‘das pa ste/ ngo bo nyid kyi sku’o/ sems kyi [451] mtshan nyid sku bzhir ngos ‘dzin pa de shes pa’i mtshan nyid yin no/

1.2. khyad par mtshan nyid ni/ rnam rtog byung tshad sems nyid yin pas mi spong bar sku bzhir shes par bya’o/

1.3. byed pa’i mtshan nyid ni/ rtogs pa sku bzhi yin yang/ byad pa po med par chos nyid sgyu ma lta bur ‘gro yi/
1.4. ngo bo nyid kyi mtshan nyid ni/ rtogs pa gdod ma nas sku bzhir lhun gyis grub pa yin te/ de ltar chos thams cad mtshan nyid bzhi las ma ‘das par shes pa dang/ lta ba’i go cha’o/

2. shes rab kyi go cha ni/
rdo rje skyil krung bca’/ lus bsrang/ mig sna rtser phab/ mnyam pa nyid kyi phyag rgya byas la/ sems can gyi don du rdzogs pa’i sangs rgyas thob pa bya ba’i phyir/ zab mo’i don ‘di bsgom par bya’o//snyam du sems bskyed par bya’o//
shes rab mig ni sems la lta/ tshig tu/ : « skye ba med pa/ ‘gag pa med pa/ gnas pa med pa/ sems dngos po med pa’o/ » zhes [452] lan gsum brjod pa ni thos pa’i shes rab bo//
de’i don ni/ sems de ye nas skye ma myong/ nam zhig ‘gags na yang ‘gags te ‘gags pa’i rgyu med/ gnas na yang dus ci tsam gnas te/ skye ‘gag med pa nyid kyis gnas pa med/ dngos po med de/ dbyibs dang kha dog tu grub rgyu med pas/ dngos po ngos bzung thams cad dang bral bar nges shes skyes pa ni/ bsam byung gi shes rab bo// thob pa’i don de shes te/ nam mkha’ (ngos bzung thams cad dang bral ba/) rnam par dag pa’i dkyil lta bu la sems pa ni/ sgom byung gi shes rab bo//
de yang/ yengs pa la rnam rtog byung na ji ltar bya snyam na/ blos mi spong bar snying du sdug par blta/ dgos par bya/ sku drin che bar blta/ med du mi rung bar blta/ de ci ste zhe na/ yon tan thams cad kho rang la rang chas su yod pa/ ngo bo nyid kyi rtog pa yin pas so//

de ltar rtog pa lam du khyer bas/ rtog pa rang zhi rang dag tu ‘gro/ dper na/ [453] mtsho la ‘khyag pa zhu ba’am/ nma mkha’ la sprin dengs pa bzhin du song/ yon tan kyi chos su gyur pa tahms cad ‘gag pa med par shugs kyis ‘byung ba de/ gnas skabs kyi ‘bras bu yin par shes par byas la/ gong nas gong du shes rab kyi rtsal sbyang ngo/
de lta bu de/
1. rtse gcig gi rnal ‘byor/
2. sprod bral gyi rnal ‘byor/
3. du ma ro gcig gi rnal ‘byor/
4. mnyam bzhag chen po’i rnal ‘byor yin no//

jeudi 8 décembre 2016

La réintégration du Naturel


« Dans le bouddhisme tibétain, on considère que Saraha fut le premier à utiliser le genre du dohākoṣa avec son texte le Dohākoṣagīti. Sahara est également considéré comme le premier à donner les instructions qui, allant à l’essentiel, ciblaient directement la nature non duelle de la réalité. Du fait que Saraha et les autres siddhas, dont certains furent également auteurs de dohākoṣa, qualifiaient cette réalité de Naturel [1] (sct. sahaja, tib. lhan gcig skyes pa), certains [2] en sont venus à leurs attribuer un véhicule spécifique, le « véhicule du Naturel » (sct. sahajayāna), qui emprunte une voie naturelle, voire naturaliste, dans le seul sens de réintégrer (sct. yoga, tib. sbyor) la gnose du Naturel (sct. sahaja-jñāna).

Ce n’est que plus tard, après Advayavajra, et notamment dans l’entourage de Gampopa, que l’on donna le nom Mahāmudrā au cycle qui remonterait à Saraha. Dans son Trésor de la connaissance (tib. shes bya kun khyab), Jamgoeun Kongtrul (1813-1899) explique que la Mahāmudrā qu’enseigna Gampopa correspondrait à « Le Sceau Universel qui réintègre le Naturel, instruction de la double armure » (tib. phyag chen lhan cig skyes sbyor go cha gnyis pa’i man ngag) composé par Atiśa. Un texte avec ce titre de la main d’Atiśa est inconnu, mais l’expression « Le Sceau universel qui réintègre le Naturel » (tib. phyag chen lhan cig skyes sbyor) est assez répandu dans l’entourage de Gampopa. On le retrouve dans plusieurs textes. La même chose est d’ailleurs vraie pour l’expression « double armure ».[3]
Jamgoeun Kongtrul (1813-1899) écrit suite aux polémiques qui avaient conduit à la supériorité des formes ésotériques du bouddhisme, au déclassement du chemin des perfections en général et du système du Sceau universel de Gampopa en particulier. Les hiérarques des diverses écoles kagyupa avaient acté ce déclassement et l’avaient appliqué à leurs propres cursus respectifs. Ainsi, Jamgoeun Kongtrul écrit dans le Trésor de la connaissance (shes bya kun khyab) :
« La réalisation de la Mahāmudrā que Gampopa faisait développer par des débutants[4], même sans que ceux-ci aient reçu d’initiation, est celle du Parāmitāyāna. C’est une instruction qui provient principalement des Kadampa. 
"Le Sceau Universel qui réintègre le Naturel, instruction de la double armure" écrit par Atiśa et le système en question sont semblables à tous points de vue, et même la progression graduelle des quatre yogas[5] y est expliquée clairement [6]
En outre, la plupart de collections (tib. tshogs pa phal mo che) suivent le chemin graduel (tib. lam rim) des Kadampa. Les adeptes du chemin extraordinaire suivent les instructions du [379] chemin des Techniques yoguiques de Lama Milarepa. 
Ayant cela présent à l’esprit, le seigneur Mi kyod rdo rje (1507-1554) a écrit :
« Ce n’était pas le siddhi authentique de la Mahāmudrā de la lignée Kagyupa, transmis du Dharmakāya Vajradhara jusqu’au grand Nāropa, et qui est présent dans les gnoses analogique et ultime authentique [7], car ces dernières ne sont manifestes qu’à la dernière des quatre consécrations supérieurs (du tantrayāna). Mais c’est le Parāmitāyāna causal[8] de nos jours et la tradition des instructions communes de śamātha-vipaśyanā[9]qui viennent d’Atiśa et qui font partie du chemin graduel de l’éveil. Il était enseigné par Gampopa (1079-1153) et Pamodroupa (tib. Phag mo gru pa) (1110-1170) pour répondre à la demande des étudiants de l’époque dégénérée, friands des enseignements les plus élevés, et qui l’ont appelé pour cette raison “Le Sceau universel qui réintègre le Naturel” (tib. phyag-chen skyes-sbyor). Dans la pratique de la plupart des étudiants de Gampopa, les instructions de la Mahāmudrā furent données avant la consécration, ce qui est appelé "la tradition commune du Sūtrayāna et du Mantrayāna[10] »
La pierre d’achoppe du système de Gampopa est l’absence des éléments ésotériques qui étaient devenus si indispensables au cours des siècles qui l’avaient suivi, mais qui faisaient défaut dans le système de Gampopa, ainsi que dans celui d’Advayavajra, tel qu’il transparaît des propos sur le Naturel, le sens du Cœur etc. qui lui sont attribués. Il est incontestable qu’Advayavajra est aussi l’auteur d’écrits hautement ésotériques, mais si les hagiographies qui le concernent ont une quelconque réalité, il faudrait admettre l’hypothèse qu'Advayavajra, après l’âge de cinquante ans, avait en effet changé d’optique après sa rencontre réelle ou visionnaire, de Śavaripa. Les propos post-tantriques de ses écrits sur le Naturel iraient d’ailleurs dans ce sens. C’est dans les théories et les pratiques sur le Naturel, qu’il faudrait essayer de trouver sa patte.

Dans les écrits de Gampopa et de Yudrakpa Zhang, qui avaient donné lieu aux polémiques, Advayavajra est en effet mentionné comme la source ou l’inspiration de leurs méthodes. Notamment dans les Instructions fulgurantes (tib. thog babs) de Zhang. Les hagiographies présentent Atīśa Dīpaṃkara Śrījñāna (982-1054) comme un disciple direct d’Advayavajra, et Atīśa fut le premier à introduire « la mahāmudrā » en Tibet, en enseignant les Distiques de Saraha, l’ancêtre incontesté de ce système. C’est à ce même Atīśa qu’est attribué la méthode de la réintégration du Naturel[1], comme le rappelle Jamgoeun Kongtrul. Et c’est en effet dans les Instructions de la double armure[2] attribuées à Gampopa que l’on trouve deux textes sur la réintégration du Naturel, dont on fait généralement précéder le titre de « phyag chen », mahāmudrā. Comme le souligne Jamgoeun Kongtrul, ces textes intègrent les quatre réintégrations (sct. yoga) caractéristiques du système de la mahāmudrā ou Sceau universel.

Je publierai simultanément sur mes deux blogs (Dans le sillage d’Advayavajra et Gampopa répond) les deux textes de la réintégration du Naturel et une autre série de textes susceptibles d’avoir été inspiré par Advayavajra.

***



[1] Le mot sahaja a une longue histoire, tout comme les traductions de ce terme. Il existait avant qu’il fut intégré dans le jargon des tantras.
À l’origine, ce mot signifie « simultané, spontané, inné, héréditaire, de naissance naturelle, facile ». Ainsi, il prend ce sens par exemple dans la Bhagavad Gītā 18 : 48).
« Il ne faut pas, ô fils de Kuntī, se dérober à l’acte (sct. karma), même s’il apparaît coupable, qu’impose à chacun sa naissance (sct. sahajam) ; car comme le feu (sct. agni) se mêle de fumée, toute activité se mêle d’imperfections ».
Dans les tantras bouddhistes, sa première apparition est dans le système du Guhyasamāja Tantra.
Le mot sahaja, utilisé dans les tantras, bien qu’ayant des origines dualistes sert à désigner une réalité non-duelle. Il est le lien entre le "feu céleste" et sa manifestation, et signifie qu’ils partagent la même nature. Les représentations iconographiques de cette nature spontanée rappellent leur origine dualiste : un dieu et une déesse en union, où le dieu, le Père, représente le Ciel, l’Esprit, le Puruṣa, Dieu, Śiva, Heruka… etc. et où la déesse représente la Mère, la Terre, la Matière, la Prakṛti, la Nature, la Śakti, la Mudrā…

Pour plusieurs raisons, j’ai donc choisi de traduire sahaja par naturel ou le Naturel, quand il s’agit de la nature spontanée ou innée du « feu céleste », quelle que soient les définitions culturelles de ce dernier.

Pour plus de précisions, je vous invite à vous rendre sur ce blog

[2] En premier, Shashi Bhushan Dasgupta dans « Obscure Religious Cults (1946)

[3] Extrait de Chants de plénitude, Joy Vriens, éd. Yogi Ling, p. 5

[4] "Se réfère à toute personne qui n'a pas atteint le chemin de la vision et la pure perception non-conceptuelle de la Vacuité, en d'autres termes, toute personne qui n'est pas Arya." Le Mahamoudra, p. 138

[5] Pensée unifiée (sct. ekāgra, tib. rtse gcig), non-complexité (sct. niṣpra-pānca, tib. spros bral), saveur unique (sct. samarasa, tib. ro gcig), non-méditation (sct. abhāvanā, tib. sgom med).

[6] 'di ni gtso bo bka' gdams pa las byung ba'i gdams pa ste/ jo bos mdzad pa'i phyag chen lhan cig skyes sbyor go cha gnyis pa'i man ngag dang da lta'i lugs srol 'di rnam pa thams cad du mtshungs shing rnal 'byor bzhi rim yang der gsal bar bstan pa yin no/

[7] La cognition conceptuelle de la vacuité en combinaison avec la conscience de félicité subtile est appelée la Lumière manifeste analogique
(tib. dpe'i 'od gsal, “approximating clear light”). Lorsque tous les souffles d’énergie se dissolvent entièrement de façon à atteindre le niveau de conscience le plus subtil, la cognition non-conceptuelle de la vacuité qui accompagne celle-ci est appelée la Lumière manifeste authentique (tib. don gyi 'od gsal). Berzin Archives

[8] Causal (tib. rgyu’i) est ici utilisé dans un sens péjoratif. Les véhicules des auditeurs (śravaka), des bouddhas spontanés (pratyekabuddha) et des bodhisattvas sont classés dans la catégorie « véhicules de la cause » (tib. rgyu'i theg pa gsum). Cette classification est celle du bouddhisme ésotérique qui considère que contrairement aux trois véhicules de la cause, les tantras partent du résultat, qu’ils intègrent au niveau du chemin. Le système de la mahāmudrā de Gampopa, est ici considéré comme faisant partie du système de la perfection de la sagesse et donc un véhicule de la cause.

[9] En tibétain Chiné (zhi gnas) et Lhaktong (lhag mthong). La première méditation vise à amener au repos le mental par la concentration, et la deuxième à connaître le réel avec lucidité.

[10] chos sku rdo rje 'chang chen po nas brgyud pa'i nA ro chen po'i bka' brgyud kyi phyag rgya chen po'i dngos grub mtshan nyid pa ni mchog dbang gong ma gsum gyi dpe don gyi ye shes mtshan nyid pa mngon sum du ma gyur pa la yod pa ma yin la/ deng sang gi rgyu phar phyin theg pa dang thun mong ba'i zhi lhag gi khrid srol mgon po a ti sha nas brgyud pa/ byang chub lam sgron gyi man ngag rje btsun sgam po pa dang mgon po phag mo gru pas/ snyigs ma'i gdul bya theg pa mtho mtho la dga' ba'i ngor phyag chen lhan cig skyes sbyor gyi ming btags par mdzad pa zhes gsungs la/ dwags po'i thugs sras phal mo che rnams kyi phyag bzhes su dbang bskur sngon song la phyag chen gyi gdams ngag bstan te mdo sngags thun mong gi lam srol du bzhed pa yin no//

[11] jo bos mdzad pa'i phyag chen lhan cig skyes sbyor go cha gnyis pa'i man ngag.

[12] phyag chen lhan cig skyes sbyor go cha gnyis pa’i man ngag 

Obnubilation, voiles et comment s'en débarrasser ?


Extrait de La transmission de la double armure du Sceau universel (tib. phyag chen go cha gnyis kyi man ngag)

Nous sommes obnubilés par trois choses. L'obnubilation par les connaissables (sct. jñeyāvaraṇa) empêche de voir le sens (sct. artha). L'obnubilation par les passions (sct. kleśāvaraṇa), c'est le désir etc. L'obnubilation par l'agir (sct. karmāvaraṇa), c'est agir à partir (sct. samutthāpitaṁ) des passions. Les dix actes négatifs en sont le fruit.

Pour se débarrasser de ces trois [obnubilations], tous les Amis (sct. kalyāṇamitra) kadampa ont d'abord purifié les deux [obnubilations par les passions et l’agir], et ont purifié l'obnubilation par les connaissables subsidiairement (tib. zhor la).

Mais mon mentor Mila disait :
« D'abord on purifie l'obnubilation par les connaissables. Si elle est purifiée, les deux [autres obnubilations] sont enchaînées (tib. sgrog) et s'équilibreront naturellement (tib. rang brdal).[1] Tant qu'elle n'est pas purifiée, c'est comme avec un arbre aux branches taillées, [les trois obnubilations] reprendront. Mais si l'obnubilation par les connaissables est purifiée, c'est comme avec un arbre déraciné, elles ne reprendront plus. »
Les deux ont raison. Les Amis [kadampa] ont raison : si on n'est pas libre de l'agir et des passions, il est impossible d'atteindre l'éveil. Le mentor a raison : si l'on méprise les connaissables, on a beau épuiser les [deux obnubilations par l'agir et par les passions], au moment où l'obnubilation ordinaire par les connaissables resurgit, elle laissera des traces (sct. anuśaya).

Elle y restera mélangée, comme dans un mélange d'eau et de lait. Ce qui se manifeste sans être objectivé ne produira pas d'effet immédiatement. Car son essence est gnose. Comme la cause de la gnose est la nature vertueuse, elle se passe d'un ensemencement et d'un semeur.

C'est à partir des traces (sct. anuśaya), que la conscience différenciatrice se produit.
Extrait d'un sūtra[2] :
« La conscience différenciatrice est profonde et subtile,
Toutes les graines y descendent comme le courant d'un fleuve
. »
Sa profondeur est insondable. Sa subtilité est invisible. C'est en elle que sont semées les graines des traces (sct. anuśaya).

Par exemple, si l'on veut essuyer de la saleté de son visage, on se regarde dans une glace. Le visage surgit en face, mais sans être allé en face. Ce visage n'est pas réel, mais il n'est pas non plus non-existent. De même, les graines des traces conscientes qui ont été semées, au moment de rencontrer un objet [réifié] feront se manifester leur fruit "en face". Mais sans que la conscience soit réellement allé "en face". Rien n'est sortie de la conscience [différenciatrice], et rien ne s'est produit sans elle.

C'est parce que la conscience différenciatrice s'arrête [à un objet réifié] en se manifestant, qu'elle est appelée conscience différenciatrice. Quand on a vu la vérité du premier niveau spirituel (sct. bhūmi), on lui donne comme nom "obnubilation par les connaissables", et l'on s'en débarrasse par la pratique (sct. bhāvanā-prahāṇa), pas autrement.

La manière pour s'en débarrasser ressemble à de l'alchimie (tib. gser 'gyur gyi rtsi). Lorsqu'un morceau de fer, qui a depuis toujours été de l'or[3], est recouvert de la pierre philosophale (tib. rtsi) par un artisan, la part de fer diminue, et la part d'or augmente. À la fin il deviendra de l'or.

De la même façon, les connaissables (sct. jñeya), qui ont depuis toujours été de la gnose, sont révélés comme telle par les instructions du mentor, et la part de connaissable cesse, tandis que la part de gnose (sct. jñāna) se manifeste progressivement. À la fin, le continuum (tib. rgyud) sera entièrement authentique.

Pour ceux qui suivent les perfections, le sens perçu par le Chemin de la vision est pratiqué jusqu'au dixième niveau spirituel (sct. bhūmi). À la fin du courant du dixième niveau spirituel, c'est en s'appuyant sur l'absorption semblable au Foudre (sct. vajropamasamādhi), que la conscience différenciatrice [contenant] des graines de l'agir cesse, et qu'au deuxième instant qui s'ensuit, le corps réel (sct. dharmakāya) de plénitude universel (sct. mahāsukha) se manifeste pour toujours.

Pour les adeptes de l'ésotérisme, qui pratiquent la Lumière manifeste comme une méditation, les manifestations [de la Lumière] cesseront au premier temps de l'état intermédiaire [de la mort], et ils resteront dans la Lumière naturelle.

S'ils sont incapables d'y rester, ils n'auront pas réussi à purifier l'obnubilation par les connaissables (sct. jñeyāvaraṇa). L'obnubilation par les passions (sct. kleśāvaraṇa), elle, est déracinée par le triple entraînement[4]. L'obnubilation par l'agir (sct. karmāvaraṇa) est purifiée par la compréhension.

Comme il est difficile de trouver les bonnes conditions, il est très important pour commencer de trouver un Ami qui montre que la vacuité est le Repos. »

***

[1] On retrouve la même terminologie dans les écrits de Pamodroupa.

[2] Il s’agit d’un sutra cittamātra, dont le titre tibétain est Phung po lnga'i rab tu byed pa bye brag tu bshad pa, et le titre indien Pañca-skandha-prakaraṇa-vaibhāṣa, un commentaire sur le Pañca-skandha-prakaraṇa de Vasubandhu. L’auteur du commentaire est Sthiramati (blo brtan). L’équipe de traduction : Jinamītra, Śīlendrabodhi, Danaśīla et les traducteurs tibétains Ye-shes sde. toh: 4066. Citation complète : yang dgongs pa nges par 'grel ba'i mdo las kyang / len pa'i rnam par shes pa zab cing phra// sa bon thams cad chu bo'i rgyun bzhin 'bab// bdag tu rtog par gyur na mi rung zhes// 'di ni byis pa rnams la ngas ma bstan//.

[3] Je ne vois pas quelle théorie permet de dire cela. Dans la cosmologie bouddhiste du mahāyāna, la base terrestre est de l’or pur. Peut-être tout ce qui la recouvre est de la même nature, mais en un degré moindre ?

[4] Ces trois éléments sont restés les trois piliers du bouddhisme. On les appelle "les trois entrainements supérieurs" (tib. lhag pa'i bslabs pa gsum), "les trois agrégats" (P. trisikkhā = khandha) ou encore "les trois beautés" dans le bouddhisme cambodgien. L'éthique (tib. tshul khrims P. silā-khandha sct. śilā) bouddhiste se résume en l'abstention de tout mal. La concentration (tib. bsam gtan P. samādhi-khandha sct. dhyāna) procure la stabilité mentale nécessaire à la connaissance lucide de la réalité (tib. shes rab P. paññā-khandha sct. prajñā). Ensemble, ils constituent l'enseignement du Bouddha (sct. Buddhadharma), qui peut se réduire aux quatre vers suivants :
"L'abstention de toute nuisance
L'accomplissement du bien
La purification de sa propre pensée
Tel est l'enseignement des Éveilles."


Texte tibétain en Wylie

sgrib pa ni gsum las shes bya'i sgrib pa don ma rig pa yin/
nyon mongs pa'i sgrib pa ni 'dod chags la sogs pa' o/

las kyi sgrib pa nyon mongs pas kun nas bslangs nas/ mi dge ba bcu spyad pas 'bras bu 'byin pa de' o/

de gsum spong ba la/ dge bshes bka' gdams pa kun/ sngon du gnyis po sbyangs pas/ shes sgrib zhor la byang gsung*/

bla ma mi la'i zhal nas/ sngon du shes bya'i sgrib pa sbyong*/ de 'byongs na gnyis po sgrog rang brdal zhes bya/ ma 'byongs na sdong po yal ga bcad pa dang 'dra ste yang skye/ shes sgrib 'byongs na sdong po rtsa ba bcad pa dang 'dra ste skye rgyu med gsung*/

de gnyis ka bden/ dge bshes pa bden te/ las dang nyon mongs pa ma bral na sangs rgyas thob pa'i thabs med/ bla ma bden te/ shes bya la ko long ma gsol na/ gnyis po zad kyang shes sgrib so skye'i dus na bag la nyal zhes bya/ chu dang 'o ma 'dres pa bzhin gnas/ yul dang bral nas snang gi_/ 'phral du rnam smin mi 'byin/ de'i ngo bo ye shes yin te/ ye shes rgyu dge ba'i rang bzhin yin pas/ sa bon gdab bya 'debs byed med/ bag la nyal de las rnam shes la bya ste/

mdo las/
rnam par shes pa rnams ni zab cing phra/
sa bon thams cad chu bo'i rgyun bzhin 'bab/
ces gsungs pas/

zab pa ni gting mi rnyed pa' o/ phra ba ni mi mthong ba' o/ de la bag la nyal gyi sa bon 'debs pa ni/

dper na/ rang gi gdong pa la tshon dkar nag gnyis byugs nas/ me long la bltas pas/gdong pha gir shar ba de/gdong pa pha gir 'phos pa ma yin/gdong pa (20na)dngos min te/med par ma song ba de bzhin du/ rnam shes bag chags kyi sa bon btab pas/yul dang 'phrad pa'i dus su/'bras bu pha gir snang ba de/ rnam shes pha gir 'phos pa ma yin/rnam shes las g.yos pa med de/med par ma byung*/ rnam shes 'gags shing gsal bas ni rnam shes shes bya' o/

sa dang po'i bden pa mthong nas/ ming du shes bya'i sgrib par btags te/ de spong ba ni bsgoms pas spong ba las/ gzhan gyis mi spong*/

de spong ba'i thabs ni/ gser 'gyur gyi rtsi dang 'dra ste/ lcags rdog po cig la ye nas gser yin pa la/bzo bos rtsi byugs pas/lcags je chung la song*/gser je che la song nas/mthar gser gyi rang bzhin du 'gyur r o/

de bzhin du/shes bya la ye shes kyi rang bzhin ye nas yod pa la bla ma'i man ngag gis mtshon nas/
shes bya rim gyis 'gag_/ye shes rim gyis gsal du song nas/tha mar rgyud dag pa'i rang bzhin du 'gyur r o/

yang pha rol tu phyin pa'i 'dod pa ni/mthong ba'i lam gyis ji ltar mthong ba'i don de/sa bcu'i bar du goms par byas pas/sa bcu rgyun gyi tha ma rdo rje lta bu'i ting nge 'dzin la brten nas/las srid pa'i sa bon rnam shes 'gags nas/skad cig ma gnyis pa la bde ba chen po chos kyi sku dus thams cad du chad pa med pa mngon du gyur pa yin gsung*/

gsang sngags pa ni/bsam gtan gyi 'od gsal la goms par byas pas bar do dang po'i dus su snang ba 'gags nas/rang bzhin gyis 'od gsal la gnas pa' o/der gnas ma nus na/da rung shes bya'i sgrib pa ma 'byong pa yin/

nyon mongs pa'i sgrib pa ni/bslab pa (20ba)gsum gyis rtsad nas gcod/las kyi sgrib pa rtogs pas 'dag par byed d o/de la dal 'byor rnyed dka' nas mgo btsugs nas/stong nyid rnal mar ston pa'i dge ba'i bshes gnyen cig 'tshol ba gal che' o/

mardi 6 décembre 2016

Le combustible de la sagesse



Extrait de l'Introduction au sens ultime des représentations (rnam rtog don dam gyi ngo sprod) :

Le précieux seigneur [Gampopa] avait dit :

« N'espère pas trouver l'Éveillé dans les cieux,
Car le Corps, la Parole et l'Esprit [éveillés] sont en toi.
Pas besoin de craindre l'Errance ici-bas, ni d'y renoncer,
Car tout cela est le combustible de la sagesse.
»


རྗེ་བཙུན་རིན་པོ་ཆེའི་ཞལ་ནས།།
ཡར་སངས་རྒྱས་ལ་རེ་བ་མེད་དེ།།
སྐུ་གསུང་ཐུགས་རང་ལ་ཡོད་པའི་ཕྱིར་རོ།།
མར་འཁོར་བ་ལ་དོགས་པ་མེད་ཅིང་སྤང་དུ་མེད་དེ།།
ཤེས་རབ་ཀྱི་བུད་ཤིང་ཡིན་པའི་ཕྱིར་རོ།།

samedi 3 décembre 2016

La représentation (sct. vikalpa) est indispensable


Extrait de : Introduction au sens ultime des représentations (tib. rnam rtog don dam gyi ngo sprod)
Mon guide Mila m'avait dit : 
« Les représentations (sct. vikalpa) sont nécessaires, bienveillantes, et indispensables.Toutes les qualités font naturellement partie d'elles. 
C'est en s'appuyant sur l'absorption (sct. samādhi) des quatre méditations (sct. catvāri dhyānāni) des bodhisattvas, que ceux-ci s'entraînent avec le dynamisme (tib. rtsal) de la Lumière manifeste. 
Mais du point de vue de l'ésotérisme, même s'étant tourné vers l'observance (sct. caryā) d'une ascèse spirituelle (sct. vrata), et s'appuyant sur la phase de génération (sct. utpattikrama), on peut s'entraîner avec son dynamisme. 
Les grands contemplatifs ne doivent pas considérer les représentations comme un défaut, et en ont besoin pour obtenir la maîtrise sur elles. »

བླ་མ་མི་ལའི་ཞལ་ནས།་རྣམ་པར་རྟོག་པ་དེ་ནི།་དགོས་པ།་སྐུ་དྲིན་ཅན།་མེད་དུ་མི་རུང་བ།་ཡོན་ཏན་ཐམས་ཅད་ཁོ་རང་ལ་རང་ཆས་སུ་ཡོད་པ་ཡིན་གསུང་།་བྱང་ཆུབ་སེམས་དཔའ་རྣམས་ཀྱི་བསམ་གཏན་བཞིའི་ཏིང་ངེ་འཛིན་ལ་བརྟེན་ནས།་འོད་གསལ་གྱི་རྩལ་སྦྱང་བ་ཡིན་གསུང་།་གསང་སྔགས་ཀྱི་དབང་དུ་བྱས་ན།་བརྟུལ་ཞུགས་ཀྱི་སྤྱོད་པ་ལ་ལོག་ནས་ཀྱང་།་བསྐྱེད་པའི་རིམ་པ་ལ་བརྟེན་ནས་རྩལ་སྦྱང་བ་ཡིན་གསུང་།་སྒོམ་ཆེན་པ་རྣམ་རྟོག་སྐྱོན་དུ་མི་ལྟ་བར།་རྟོགས་པ་ལ་དབང་ཐོབ་པ་ཅིག་དགོས་གསུང་།

jeudi 1 décembre 2016

Les cinq idées erronées à éliminer

Extrait des Instructions fulgurantes du Sceau universel (tib. phya rgya chen po thog babs)

1. L'élimination de l'idée erronée concernant une essence.
Ceux qui souhaiteraient abandonner la pensée actuelle [qu’ils jugent] déficiente, afin de trouver ultérieurement une gnose excellente, [réaliseront] à l'aide de ce système de transmission que la racine de toutes les choses est la pensée et que de ce fait il n'y a rien à rejeter.

2. L'élimination de l'idée erronée sur l'objet.
Ceux qui souhaiteraient abandonner les cinq poisons, arriveront à l'aide de ce système de transmission à les intégrer (tib. lam du 'khyer ba).

3. L'élimination de l'idée erronée de la durée.
Ceux qui souhaiteraient la réalisation au bout de trois éons infinis la réaliseront à l'instant même à l'aide de ce système de transmission.

4. L'élimination de l'idée erronée sur la sagesse (sct. prajñā).
Ceux qui souhaiteraient y accéder par le Discernement (tib. rig pa sct. saṁvedya), y accéderont par les instructions (tib. gdams ngag)[1] à l'aide de ce système de transmission.

5. L'élimination de l'idée erronée sur respectivement la bonne et la mauvaise nature des Éveillés et des êtres. Leur seule différence étant celle d'avoir réalisé ou non la nature de la pensée.

***

[1] Voir Dans le sillage d’Advayavajra, « Virupa et les "Adeptes des Instructions ». Voir aussi la lignée des instructions (tib. gdams ngag pa) au sein de l’école Kadampa, fondée par sPyan snga ba Tshul khrims 'bar (1033-1103), un disciple d’Atiśa et de Dromteun. Voir aussi la thèse de Gianpaolo Vetturini.

Texte tibétain en Wylie

1. dang po phyogs snga ma log rtog bsal ba lnga'i dang po/
1.1. ngo bo la log rtog bsal ba ni/ da lta'i sems ngan pa spangs nas/ phyis ye shes bzang po 'dod pa yin la/ gdams ngag 'di yi lugs kyis chos thams cad kyi rtsa ba sems yin te/ de la gang yang spang du med pa'i phyir ro//
1.2. gnyis pa yul la log pa bsal ba ni/ dug lnga spang bar 'dod pa de/ gdams ngag 'di yi lugs kyis/ lam du 'khyer ba'o//
1.3. gsum pa dus la log par rtog pa bsal ba ni/ bskal pa grangs med pa gsum gyis rtogs par 'dod pa de/ gdams ngag 'di'i lugs kyis da lta rang rtogs par 'dod pa'o//
1.4. bzhi pa shes rab la log par rtog pa bsal ba ni/ rig pas rtogs par 'dod pa de/ gdams ngag 'di yi lugs kyis gdams ngag gis rtogs par 'dod pa'o//
1.5. lnga pa sangs rgyas dang sems can la bzang ngan du byed pa'i log par rtog pa bsal ba ni/ rang gis sems rtogs ma rtogs las khyad par gzhan med pa'o//

XXVIII (et FIN). Les dix choses qui se déploient spontanément comme la plénitude universelle (mahāsukha)


བདེ་བ་ཆེན་པོར་ལྷུན་གྱིས་གྲུབ་པའི་ཆོས་བཅུ་ནི།
XXVIII. Les dix choses qui se déploient spontanément
comme la plénitude universelle (mahāsukha)



སེམས་ཅན་ཐམས་ཅད་ཀྱི་སེམས་ཆོས་སྐུར་གནས་པས་བདེ་བ་ཆེན་པོར་ལྷུན་གྱིས་གྲུབ།
1. La nature de la pensée de tous les êtres se fonde sur le corps réel (sct. dharmakāya) et se déploie de ce fait spontanément comme la plénitude universelle.


གཞི་ཆོས་ཉིད་ཀྱི་དབྱིངས་ལ་མཚན་མའི་སྤྲོས་པ་མེད་པས། བདེ་བ་ཆེན་པོར་ལྷུན་གྱིས་གྲུབ།
2. Comme la nature des choses[1] de la Base est libre de la complexité (sct. prapañca) des signes (sct. nimitta), il se déploie spontanément comme la plénitude universelle.


མཐའ་བྲལ་བློ་འདས་ཀྱི་རྟོགས་པ་ལ། ཕྱོགས་རིས་ཀྱི་སྤྲོས་པ་མེད་པས་བདེ་བ་ཆེན་པོར་ལྷུན་གྱིས་གྲུབ།
3. Comme l'Accès à l'absence d'oppositions qui dépasse la volonté (sct. buddhi) est libre de la complexité des choix partiales, il se déploie spontanément comme la plénitude universelle.


ཡིད་ལ་བྱ་བ་མེད་པའི་ཉམས་མྱོང་ལ། དམིགས་པའི་སྤྲོས་པ་མེད་པས། བདེ་བ་ཆེན་པོར་ལྷུན་གྱི་གྲུབ།
4. Comme l'expérience du non-engagement (sct. amanisikāra) est libre de la complexité de références (tib. dmigs pa), elle se déploie spontanément comme la plénitude universelle


བྱ་བྲལ་རྩོལ་མེད་ཀྱི་སྤྱོད་པ་ལ། བླང་དོར་གྱི་སྤྲོས་པ་མེད་པས་བདེ་བ་ཆེན་པོར་ལྷུན་གྱིས་གྲུབ།
5. Comme l'observance (sct. caryā) non-agissante et libre d'effort est libre de la complexité des choix moraux, elle se déploie spontanément comme la plénitude universelle.


དབྱིངས་དང་ཡེ་ཤེས་དབྱེར་མེད་པའི་ཆོས་སྐུ་ལ། གཟུང་འཛིན་གྱི་སྤྲོས་པ་མེད་པས་བདེ་བ་ཆེན་པོར་ལྷུན་གྱིས་གྲུབ།
6. Comme le corps réel (sct. dharmakāya), où l'Élément (sct. dhātu) et la gnose (sct. jñāna) sont indissociables, est libre de la complexité de la dualité, il se déploit spontanément comme la plénitude universelle.


ཐུགས་རྗེ་རང་བྱུང་གི་ལོངས་སྐུ་ལ། སྐྱེ་ཤི་འཕོ་འགྱུར་གྱི་སྤྲོས་པ་མེད་པས་བདེ་བ་ཆེན་པོར་ལྷུན་གྱིས་གྲུབ།
7. Comme le corps symbolique (sct. saṃbhogakāya), l'engagement altruiste spontané, est libre de la complexité de la naissance, la mort, la transmigration et la transformation, il se déploie spontanément comme la plénitude universelle.


ཐུགས་རྗེ་རང་ཤར་གྱི་སྤྲུལ་སྐུ་ལ། གཉིས་སྣང་འདུ་བྱེད་ཀྱི་སྤྲོས་པ་མེད་པས་བདེ་བ་ཆེན་པོར་ལྷུན་གྱིས་གྲུབ།
8. Comme le corps fonctionnel (sct. nirmāṇakāya), qui est l'émergence naturelle de l'engagement altruiste, est libre de la complexité des schémas mentaux (sct. saṃskāra) dualistes, il se déploie spontanément comme la plénitude universelle.


བསྟན་པ་ཆོས་ཀྱི་འཁོར་ལོ་ལ། བདག་ལྟ་མཚན་མའི་སྤྲོས་པ་མེད་པས། བདེ་བ་ཆེན་པོར་ལྷུན་གྱིས་གྲུབ།
9. Comme la mise en branle de la roue du Dharma est libre de la complexité des signes de la croyance en une essence personnelle (sct. ātma-dṛṣṭi), elle se déploie spontanément comme la plénitude universelle.


ཚད་མེད་ཐུགས་རྗེའི་ཕྲིན་ལས་ལ། རྒྱ་ཆད་ཕྱོགས་ལྷུང་མེད་པས་བདེ་བ་ཆེན་པོར་ལྷུན་གྱིས་གྲུབ་པ་སྟེ།
10. Comme l'activité spontanée découlant d'une compassion illimitée n'est limitée ni en espace ni en temps, elle se déploie spontanément comme la plénitude universelle.


དེ་ནི་བདེ་བ་ཆེན་པོར་ལྷུན་གྱིས་གྲུབ་པའི་ཆོས་བཅུ་ཡིན་ནོ།
Voilà les dix choses qui se déploient spontanément
comme la plénitude universelle.


[Conclusion]

ཟག་མེད་མཁྱེན་པ་དང་ལྡན་པའི་བླ་མ་དང༌། རྗེ་བཙུན་སྒྲོལ་མ་ལ་སོགས་ལྷག་པའི་ལྷ་རྣམས་ཀྱིས། བྱང་ཕྱོགས་ཁ་བ་ཅན་གྱི་བསྟན་པའི་གསལ་བྱེད་དུ་མངའ་གསོལ་བའི་དཔལ་ལྡན་མར་མེ་མཛད་ཡབ་སྲས་ཀྱི་གསུང་རྒྱུན་དྲི་མ་མེད་པ་རྣམས། བཀའ་གདམས་པའི་བླ་མ་སྐུ་དྲིན་ཅན་རྣམས་ལས་ཐོས་པ་དང༌། རྒྱ་གར་འཕགས་པའི་ཡུལ་དུ་ཉི་ཟླ་ལྟར་གྲགས་པའི་སྐྱེས་མཆོག་ནཱ་རོ་མཻ་ཏྲི་གཉིས་དང༌། མར་པ་ལྷོ་བྲག་པ་ལ་སོགས་པའི་མཁས་གྲུབ་རྣམས་ཀྱི་ཐུགས་ཀྱི་བཅུད་འཛིན་པ། རྗེ་བཙུན་གྱི་རྒྱལ་པོ་མི་ལ་རས་པས་རྗེས་སུ་བཟུང་བའི་གསུང་དྲི་མ་མེད་པ་རྣམས་ཕྱོགས་གཅིག་ཏུ་བསྡུས་པའི་ལམ་མཆོག་རིན་པོ་ཆེའི་ཕྲེང་བ་ཞེས་བྱ་བ། བཀའ་ཕྱག་གཉིས་ཀྱི་གདམས་པའི་མཛོད་འཆང་བ།

Des guides connaissant l'extinction des toxines (P. āsava) (l'absence des toxines=nirvāṇa) et des dieux éminents tels la Dame Tārā avaient autorisé Śrī Dīpaṅkara [Atiśa] d'enseigner le Dharma aux Pays de neiges au Nord. Ses (Atiśa) paroles et celles de ses fils ont été transmises sans déformation jusqu'aux guides bienveillants de la lignée Kadampa, auprès de qui je les avais étudiées moi-même. Le souverain parmi les seigneurs, Milarepa, détenait la sève du Coeur (tib. thugs kyi bcud) des grands individus Nāropa et Maitrīpa, qui étaient aussi connus comme le soleil et la lune au noble pays de l'Inde, et des érudits accomplis tels Marpa de Lhodrag. Les paroles de l'une et de l'autre transmission, je les ai réunies sans les déformer en ce texte intitulé "Les guirlandes de joyaux du chemin éminent". Ce texte est le trésor qui contient donc les instructions des transmissions Kadampa et Mahāmudrā. Il a été composé à Dwags po par le méditant de sNyi, bSod nams rin chen.


[Colophon]

ཟག་མེད་མཁྱེན་པ་དང་ལྡན་པའི་བླ་མ་དང༌། རྗེ་བཙུན་སྒྲོལ་མ་ལ་སོགས་ལྷག་པའི་ལྷ་རྣམས་ཀྱིས། བྱང་ཕྱོགས་ཁ་བ་ཅན་གྱི་༼༡༡བ༽བསྟན་པའི་གསལ་བྱེད་དུ་མངའ་གསོལ་བའི་དཔལ་ལྡན་མར་མེ་མཛད་ཡབ་སྲས་ཀྱི་གསུང་རྒྱུན་དྲི་མ་མེད་པ་རྣམས། བཀའ་གདམས་པའི་བླ་མ་སྐུ་དྲིན་ཅན་རྣམས་ལས་ཐོས་པ་དང༌། རྒྱ་གར་འཕགས་པའི་ཡུལ་དུ་ཉི་ཟླ་ལྟར་གྲགས་པའི་སྐྱེས་མཆོག་ནཱ་རོ་མཻ་ཏྲི་གཉིས་དང༌། མར་པ་ལྷོ་བྲག་པ་ལ་སོགས་པའི་མཁས་གྲུབ་རྣམས་ཀྱི་ཐུགས་ཀྱི་བཅུད་འཛིན་པ། རྗེ་བཙུན་གྱི་རྒྱལ་པོ་མི་ལ་རས་པས་རྗེས་སུ་བཟུང་བའི་གསུང་དྲི་མ་མེད་པ་རྣམས་ཕྱོགས་གཅིག་ཏུ་བསྡུས་པའི་ལམ་མཆོག་རིན་པོ་ཆེའི་ཕྲེང་བ་ཞེས་བྱ་བ། བཀའ་ཕྱག་གཉིས་ཀྱི་གདམས་པའི་མཛོད་འཆང་བ། ཤར་དྭགས་པོ་སྙི་སྒོམ་བསོད་ནམས་རིན་ཆེན་གྱིས་བྲིས་པ་རྫོགས་སོ།། །།བཀྲ་ཤིས་དཔལ་འབར་འཛམ་གླིང་རྒྱན་དུ་ཤོག །རྗེ་སྒམ་པོ་པའི་ཞལ་ནས། མ་འོངས་པའི་གང་ཟག་བདག་ལ་མོས་ཤིང༌། བདག་དང་མ་ཕྲད་སྙམ་པ་ཀུན་ཀྱང༌། ཁོ་བོས་བརྩམས་པའི་ལམ་མཆོག་རིན་པོ་ཆེའི་ཕྲེང་བ་དང༌། ཐར་པ་རིན་པོ་ཆེའི་རྒྱན་ལ་སོགས་པའི་བསྟན་བཅོས་རྣམས་གཟིགས་པར་ཞུ། ང་དང་མངོན་སུམ་དུ་འཕྲད་པ་དང་ཁྱད་མེད་པར་ཡོད་ཀྱི་གསུངས་འདུག་པས། རྗེ་སྒམ་པོ་པ་ལ་མོས་པའི་སྐལ་ལྡན་རྣམས་ཀྱིས་འདི་དག་སྤེལ་བའི་ལས་ལ་བརྩོན་པར་ཞུའོ།།

Le Seigneur Gampopa avait coutume de dire : « toutes les personnes des générations futures qui m'apprécient et qui ne m'ont pas rencontré peuvent demander de lire les traités que j'ai composés, tels "Les guirlandes de joyaux du chemin éminent" et "Le Précieux Ornement de la libération" etc. Ce serait alors comme s'ils m'avaient rencontré en personne. » Les personnes chanceuses qui apprécient le Seigneur Gampopa sont donc priées de pratiquer ces textes.

།།མངྒ་ལཾ། བྷ་ཝནྟུ་ཤུ་བྷཾ།།

***

[1] Voir les quatre perspectives du dharmadhātu selon l'Avatamsaka (Huayan) (Alan Fox p.73 etc.) 1. phénoménal (shi), 2. le principe (li) 3. non-obstruction du principe et 4. non-obstruction du phénoménal et du phénoménal (interconnexion).