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vendredi 1 septembre 2017

Gampopa’s Great Teachings to the Assembly (Ringu Tulkou)




Extrait de Confusion Arises as Wisdom: Gampopa's Heart Advice on the Path of Mahamudra de Ringu Tulku

"This book contains eighteen short but profound teachings by Gampopa, one of the forefathers of the Kagyu lineage of Tibetan Buddhism. The original title of this text is rJe dvags po rin po che’i tshogs chos chen mo, which could be translated more or less literally as Great Community Talks of Je Dakpo Rinpoche or Gampopa’s Great Teachings to the Assembly. Along with a translation of the root text, this book contains some commentary I gave on this text in Europe and America between 2004 and 2009."

samedi 31 décembre 2016

La triple expérience


Suite des questions autour du non-amendé


Quelqu'un demanda au précieux [mentor] :
- Comment c'est lorsqu'on reconnaît l'essence de sa pensée ?

- C'est reconnaître le non-amendé comme non-amendé. C'est la nature de la pensée qui est naturellement présente, sans ne rien empêcher ni corriger.

Moi aussi, je fixe le non-amendé. En fixant le non-amendé, la gnose de la non-dualité surgit d'elle-même sans besoin d'aucun dissentiment ni assentiment. Elle est libre de représentation (sct. avikalpa). Sans raison, comme un muet qui goutte de la mélasse ou comme une jeune fille amoureuse, ce qui est mis en évidence par la gnose de la non-dualité, c'est la présence lucide (tib. gsal ba). Lorsqu'elle se manifeste comme non-représentation et présence lucide, toutes les fluctuations dualistes s'arrêtent d'elles-mêmes et s'en vont.

À ce moment, la pensée est libre (tib. bde ba sct. sukha). Quand la pensée est libre, le corps est libre, et de la même manière, les effets des qualités visibles (tib. mthong chos) de l'expérience de liberté (tib. bde ba), de présence lucide (tib. gsal ba) et de non-représentation (tib. mi rtog pa) se prolongeront dans la vie quotidienne.

L'expérience non-duelle de liberté, de présence lucide et de non-[représentation] est extralucide[1]. Si ce qui surgit comme multiplicité, est libre de lourdeur (tib. bying ba)[2], il surgit de façon non-duelle. Les proliférations (tib. 'phros pa) à partir de la saisie dualiste s'appellent "agitation". En les laissant évoluer sans les amender (tib. ma bcos par), elles se dégagent de la saisie dualiste. Les blocages (tib. bdud) de la lourdeur et de l'agitation disparaîtront progressivement.

***

[1] Le subst. fém. extralucidité signifiant « lucidité très forte ».

[2] Litt. bying ba = être submergé, immergé, enfoncé dans.

Texte tibétain en wylie

yang rin po che la/
- rang gi sems kyi ngo bo shes pa ji lta bu lags zhus pas/

- ma bcos pa la ma bcos par shes pa de yin gsung ngo*/ sems nyid kho rang spang bya dang gnyen po thams cad dang bral bar 'dug pa de yin/

nged kyis kyang ma bcos par bzhag/ ma bcos pa bzhag pas/ dgag sgrub kyi bya rgyu dang bral nas gnyis med ye shes rang 'char te/ de ni mi rtog pa yin/

lkugs pas bu ram mur pa'am/ gzhon nu mas (5ba)'dod chags kyi bde ba myong ba lta bu'i rgyu med par/ gnyis med kyi ye shes gsal ba de ni gsal ba yin/

mi rtog pa dang gsal bar byung tsa na/ gnyis 'dzin gyis bya rgyu thams cad rang shugs kyis 'gags nas 'gro/ de tsa na sems bde/ sems bde bas lus bde ba ltar/ bde gsal mi rtog pa gsum gyi phan yon mthong chos kyi las tshe 'di la 'byung ngo*/

gnyis med mi gsal bde la shin tu gsal ba ste/ sna tshogs su 'char ba 'di bying ba dang bral na gnyis med du 'char ro/

gnyis 'dzin las 'phros pa la rgod pa zer ba yin te/ ma bcos par rang dgar bzhag pas gnyis 'dzin las bral zhing*/ bying rgod gyi bdud dang bral nas 'gro'o/

mardi 20 décembre 2016

Ni espoir ni crainte

Suite des questions autour du non-amendé

- Reconnaît-on [la gnose de la non-dualité indéfinissable] par la pratique, ou la reconnaît-on par la non-pratique ?
- Si on la reconnaît par la pratique, elle deviendra [elle-même] une représentation. Si on la reconnaît sans la pratique, elle ne pourra pas s'effacer d'elle-même, ou si elle s'efface, elle se détériore puis s'en va.

- Certains disent que si on arrive à retenir [la gnose de la non-dualité indéfinissable] par l'attention (tib. dran pas zin), même si on tuait mille personnes, on n'irait pas dans les enfers. Or, est-ce qu'elle est retenue par l'attention en pratiquant ou sans pratiquer ?
- Si c'était par la pratique, elle se perdrait par la volonté. Si c'était sans la pratique, elle s'effacerait d'elle-même, mais en se détériorant puis en s'en allant.

- Comment faire alors ?
- Si on la retient par l'attention sans appliquer (tib. sgom) aucun dissentiment ni assentiment, toutes les représentations surgiront comme la gnose de la non-dualité (sct. advayajñāna). Commettre des actes nuisibles comme tuer des gens etc. sans donner son dissentiment ou assentiment serait un non-sens (tib. don med). Puisque cela est en contradiction avec les traditions (sct. āgama) attribuées au Bienheureux, tous ceux qui parlent de la sorte pratiqueraient à l'envers.
Si on se préoccupait de retenir ou ne pas retenir [la gnose de la non-dualité indéfinissable] par l'attention, ou si on craignait la production de représentations, la gnose de la non-dualité deviendrait vacillante[1]. Si la pensée devient trop loquace (tib. kha drag), on court le risque (tib. nyen yod) que cela nuise à la santé (tib. khams mi bde), qu'on déprime (tib. snying rlung 'jug) ou qu'on perde la raison (tib. smyon par 'gro). C'est pourquoi il ne faut jamais se préoccuper ni des espoirs ni des craintes. 

***

[1] litt. sera tiraillée par ci et par là


Texte tibétain en Wylie

'ga' zhig na re/ dran pas zin na mi stong bsad kyang ngan song du mi 'gro zer ro// 'o na bsgoms pas dran pas zin nam/ (4ba)ma bsgoms pas dran pas zin byas pas/ 

bsgom na blor 'gro ma bsgoms na rang grol lam byas na yang rdugs nas 'gro bar ‘dug_/

'o na ji ltar yin na/ 

dgag sgrub gang yang mi sgom pa'i dran pas zin na rnam rtog thams cad gnyis med kyi ye shes su 'char ro//
dgag sgrub kyi rgyu med pa la mi gsod pa la sogs pa sdig pa'i las bya ba'i don med do// bcom ldan 'das kyi lung dang 'gal bas de skad du smra ba thams cad chos log tu shes par bya'o//

dran pas zin pa dang ma zin pa dang*/ rnam rtog 'phros pa la nyam nga rtsis gdab byas na/ gnyis med kyi ye shes la phar then tshur then byas pas/ sems kha brag tu song nas khams mi bde/ snying rlung 'jug_/smyon par 'gro nyen yod pas/ re dwogs kyi rtsis gdab ye mi bya/

dimanche 18 décembre 2016

Questions autour du non-amendé (tib. ma bcos pa)




Extrait de la Compréhension suffisante qui intègre les manifestations (tib. snang ba lam 'khyer gyi rtogs pa cig chog)*


[Les représentations] sont bienveillantes. Quand il n'y en a pas, le non-amendé (tib. ma bcos pa) se développe de lui-même. Percevoir seul [le non-amendé] est stérile (tib. 'thums) et la non-représentation ne se produira pas à partir d'un état vague (tib. ra ri).[1] En outre, la nature du monde (tib. 'jig rten pa'i rang bzhin) doit rester telle qu'elle est (tib. rang ka ma). C'est ainsi, que le non-amendé qui ne fait pas l'objet d'un dissentiment ou assentiment, est compris comme la non-dualité qui se libère d'elle-même. Quelqu'un demanda alors au Seigneur du clan de sNyi[2]
- Cette pratique de l'absence de nature de la pensée, n'est-elle pas elle-même une voie intellectuelle (tib. blo mi 'gro ba) ?

- La pensée n'a pas de nature propre (sct. svabhāva). C'est de l'eau se dissolvant dans l'eau. Pas besoin de pratiquer cela en permanence.[3]


On retrouve ce sens ultime [des représentations] aussi dans les propos du mentor à-la-peau-de-chien[4].
- Mais, les êtres mondains laissent eux aussi se déployer librement leurs représentations. Il n'y a alors pas de différence avec un pratiquant qui laisse se déployer librement la perception ordinaire (tib. tha mal gyi shes pa) ?

- Il n'y a pas de différence, mais on peut se demander si les êtres mondains laissent aussi s'effacer les représentations d'elles-mêmes. Comme les êtres mondains ne disposent pas des instructions de réintégration, ils ne pourront pas reconnaître la non-dualité. Par conséquent, tout ce qu'ils font c'est donner leur dissentiment ou assentiment [à des représentations].

Même s'ils ont reçu ces instructions, comme la gnose de la non-dualité est indéfinissable (tib. nges med) et peut se présenter sous diverses formes, il est possible qu'ils ne fassent alors pas confiance à leur expérience et que celle-ci se manifeste sans libérer les représentations dualistes.

Il arrive que les adeptes religieux (tib. chos pa) font leur entraînement associé avec les souffrances dualistes de l'étude, la réflexion et la méditation. Si le pratiquant (yogi) est libre de la cause du dissentiment-assentiment, les représentations de la gnose de la non-dualité indéfinissable se présenteront sous les diverses formes de la plénitude. La différence entre ces deux approches dépend de si le point crucial (tib. gnad ka) est touché.

Quand on interroge des pratiquants sur la différence, ils la connaîtront. Les êtres mondains ne la connaîtront pas.

- Reconnaît-on [la non-dualité] par la pratique (tib. bsgoms nas), ou la reconnaît-on par la non-pratique ?

- Si on la reconnaît par la pratique, celle-ci deviendra [elle-même] une représentation. Si on la reconnaît sans la pratique (tib. ma bsgoms par), elle ne pourra pas s'effacer d'elle-même, ou si elle s'efface, elle se détériore puis s'en va.[5]


***

* Aussi connu sous les titres phyag rgya chen po'i rtsa ba la ngo sprad pa et phyag rgya chen po gnyug ma mi 'gyur

[1] La non-représentation n'est pas l'absence de représentation, mais le dépassement de la représentation et de l'absence de représentation.

[2] Gampopa

[3] Voir la loi de l’effort converti de l'école de Nancy, ou la méthode Coué. Voir aussi Michel Larroque, Volonté et involonté p. 143) :
"Le génie de Molinos est d'avoir découvert avant la nouvelle école de Nancy la loi de l'effort converti. Sans doute fin observateur, il constate que l'effort, dans certaines conditions, loin d'aboutir à un résultat positif se retourne contre le projet qui l'a suscité. C'est la raison pour laquelle il recommande de demeurer en paix, même dans les distractions ou les tentations et "Le pèlerin qui va à Rome, écrit-il, ne se dit pas continuellement "je vais à Rome". Il se contente de marcher. De même, celui qui est reçu par le roi extravague s'il répète sans cesse : "Sire c'est bien vous qui êtes devant moi". De même, il est inutile de faire des actes réfléchis dans l'oraison, et même dans la vie une fois qu'on l'a délibérément consacrée à Dieu."

[4] Khyi thul can, nom dérogatoire donné par des kadampa à Milarepa. Le nom dérogatoire est repris ici comme un ornement. C’est sans doute Gampopa qui pose les questions et qui rapporte les propos.

[5] Autrement dit, la représentation est nécessaire. La réalisation est de reconnaître « l’expérience » dans la représentation même.

Texte tibétain Wylie


khong bka' drin che/ khong dang ma phrad tsa na/ ma bcos pa rang sgom pa yin/ de rang du shes pa 'thums nas rtog med ra ri las ma byung*/ de bas 'jig rten pa'i rang bzhin rang ka ma song*/ khong gi des/ dgag sgrub (4na)med pa'i ma bcos pa de gnyis med rang grol gyi der go de nas/ rje btsun snyi sgom la/ - sems rang bzhin med par sgom pa de rang blo mi 'gro'am zhus pas/ 
- sems rang bzhin med do// chu la chu thim mo// rtag tu sgom mi dgos gsung*/ 

don gyi bla ma khyi thul can gyi gsung na 'dug go/ 
- 'o na 'jig rten pa rnams kyang rnam rtog rang gar ‘dug/ rnal 'byor pa yang rang ga tha mal gyi shes par 'dug pa la de gnyis la khyad par ci yod/ 
- khyad par med na 'jig rten pa la yang rang grol du mi 'gro'am snyam na/ 'jig rten pa la rnal 'byor pa'i gdams ngag med pas gnyis med ngo ma shes te/ dgag sgrub gnyis 'dzin 'ba' zhig byung ngo*// gdams ngag thob kyang*/ gnyis med kyi ye shes nges med sna tshogs su 'char ba la yid mi ches pas/ gnyis 'dzin gyi rnam rtog las grol sa med par skyes so//

chos pa rnams kyang*/ thos bsam sgom gsum gyi gnyis 'dzin gyi sdug bsngal gyis sbyangs so// rnal 'byor pa ni/ dgag sgrub kyi rgyu dang bral nas/ gnyis med kyi ye shes nges med kyi rnam rtog bde ba chen po sna tshogs su 'char ro//

- de gnyis kyi khyad par ni gnad ka de las byung ngo*// 
- rnal 'byor pa 'ga' zhig la de gnyis kyi khyad par dris tsa na/ rnal 'byor pas ngo shes pa yin/ 'jig rten pas ngo ma shes pa yin zer/ bsgoms nas ngo shes sam/ ma bsgoms nas ngo shes/ bsgoms nas ngo shes na rnam rtog tu 'gro/ma bsgoms par shes na rang grol du mi 'gro'am byas na rdugs nas 'gro bar 'dug go/




vendredi 9 décembre 2016

La réintégration du Naturel II




La réintégration du Naturel II[1]

Quel est le Naturel que l'on réintègre ? Il s'agit du Discernement (tib. rig pa) et de la vacuité qui sont le Naturel. Cela ne veut pas dire qu'elles soient présentes de façon individuelle et différenciée. La réintégration du Discernement [au cours des expériences de luminosité (tib. gsal ba), de plénitude (tib. bde ba) et de vacuité (tib. stong pa), est la réintégration du Naturel. Elle se divise en deux : l'armure de la vue et l'armure de la sagesse.

1. L'armure de la vue

Elle consiste en quatre sortes de caractéristiques :

1.1. la caractéristique de la perception,
1.2. la caractéristique de la particularité,
1.3. la caractéristique de l'agent,
1.4. la caractéristique de l'essentialité.

1.1. La caractéristique de la perception

Au départ, [la perception] n'est pas produite, au milieu elle ne dure pas et à la fin elle n'est pas détruite. Elle n'existe pas en une couleur ou une forme et elle est libre de toute complexité (sct. aprapañca). Elle est le principe (sct. artha) inidentifiable, et qui n'est cependant pas non-existante.

Le fait qu'elle est inengendrée correspond au corps réel (sct. dharmakāya).
Le fait qu'elle est infinie correspond au corps symbolique (sct. sambhogakāya).
Le fait qu'elle ne dure pas correspond au corps fonctionnel (sct. nirmāṇakāya).
Le fait que son essence ne peut pas être identifié correspond au corps essentiel (sct. svābhāvikakāya).

L'établir comme le quadruple corps est la caractéristique de la perception.

Elle n'est pas non-existante, mais un flot unifié et ininterrompu de manifestations et d'intelligence, qui dure dans le temps, c'est cela la caractéristique de la perception.

1.2. La caractéristique de la particularité
La caractéristique de la perception, qui n'est pas quelque chose, est l'émergence des diverses représentations. L'émergence, en tant que l'essence de ce qui n'est pas une chose, se manifeste comme une perception vive, non obnubilée par des représentations. Sa stabilité est la caractéristique de la particularité.

1.3. La caractéristique de l'agent

Ce sont les représentations de la nature des choses qui émergent comme la diversité. En l'absence d'un agent, les diverses représentations émergent comme la nature des choses. C'est la caractéristique de l'agent.

1.4. La caractéristique de l'essentialité

Le principe simple (sct. tathārtha) est goûté dans l'Élément authentique. C'est la caractéristique de l'essentialité.


2. L'armure de la sagesse

On récite à trois reprises les formules de la sagesse[2] correspondant à la phase de l'étude «l'inengendré,… » etc.

La sagesse qui provient de la réflexion consiste en la compréhension de ce principe. La sagesse qui provient de la pratique consiste en les quatre réintégrations (sct. yoga[3]).

1. Sans se disperser de l'essence du Discernement, reconnaître tout ce qui se manifeste, et tout ce qui est remémoré comme pensée. Sa présence est la réintégration de la concentration unifiée (sct. ekāgra).

2. Si, lors de concentration unifiée, une représentation [surgit], i. la maîtriser immédiatement ii. la retracer.[4] Après avoir intégré les représentations de la sorte, elles deviennent iii. Indispensables et bienveillantes[5], car elles sont la réintégration de la non-complexité (sct. aprapañca)[6].

3. Lorsque, tout en restant dans la continuité de cet état, on s'engage dans des chemins de traverse, et que l'on reconnaît les apparences extérieures comme une réalité flottante (tib. ban bun), c'est la réintégration de la saveur unique (sct. ekarasa) de la diversité.

4. Si on se familiarise avec celle-ci, le Discernement brut demeure seul, sans être obnubilée par des représentations. À ce moment, on laisse cette familiarisation évoluer jusqu'à ce qu'elle aboutit au corps réel (sct. dharmakāya). C'est la réintégration de la non-méditation[7].

Cela termine l'exposé des armures de la vue et de la sagesse. J'ai pu faire l'expérience des instructions du bon lama. Toutes les représentations sont la pensée. Reposez-vous en l'état continu qui n'a ni naissance, ni durée ni destruction, et sans vous disperser.


***

[1] Ceci est le dernier des deux textes faisant partie de La transmission de la double armure du Sceau universel (tib. phyag chen go cha gnyis kyi man ngag), attribuée à Gampopa. Ils font partie de son œuvre complète (tib. gsung ‘bum).

[2] Il s’agit sans doute des formules que l’on trouve dans le premier texte de la réintégration du Naturel. « Inengendrée, infinie, et sans durée, la pensée n'a pas de réalité concrète. »
Ainsi, en répétant trois fois la formule, on développe la sagesse de l'étude.

[3] Il s’agit des « quatre yoga » de la mahāmudrā.

[4] Voir la triple méthode du maître kadampa Tcharioua.

[5] Voir l’explication de la troisième branche de la méthode de Tcharioua.

[6] Ou de la diversité, ou de la manifestation. D'abord sont intégrées les représentations, ensuite est intégrée l'absence de représentation.

[7] Appelée « réintégration du recueillement universel » dans le premier texte de La réintégration du Naturel.

La triple méthode de l'Ami Tcharioua




Extrait de l'Introduction au sens ultime des représentations (rnam rtog don dam gyi ngo sprod)

Voici les instructions de l'Ami (sct. kalyāṇamitra) Tcharioua (lCags ri ba).[1]

Si au moment où un grand contemplatif est en contemplation, la représentation se produit,
1. la maîtriser dès qu'elle se présente 2. la retracer[2] 3. non-existente elle est pourtant manifeste.

Dès que la représentation se produit, il la neutralise en la déterminant comme non engendrée. C’est appelé la maîtriser dès qu'elle se présente (1).

S'il n’y réussit pas dès qu'elle se produit, il la retrace. D'où vient la représentation ? Elle vient de la pensée. Elles disparaît en pensée. Elle est indifférenciée de la pensée. C’est appelé la retracer (2).

Elle est non-existante et néanmoins manifeste (3). Elle est ce qui est prépondérant (tib. lci ba) dans toute perception, ce qui est malaisé comme expérience, et à la fois non-existent et manifeste.

Quand on renonce à la vie au foyer, la nécessité de connaître les quatre [voeux] racine est prépondérante. Ceux-ci sont à la fois non-existants et manifestes. Ils sont des représentations. La représentation est la pensée. Et la pensée est inengendrée (sct. unatpāda).

Par exemple, dans le cas d'un feu de forêt, un petit feu peut être soufflé et s'éteindre par un coup de vent. Mais si une grande forêt s'embrase, le vent l'attiserait. Si de nombreuses bûches de bois se mobilisaient pour faire la guerre au feu, le feu dirait : « Je vous en prie, venez encore plus nombreux ! Plus vous serez nombreux, et plus je serai heureux ! » De même, avoir beaucoup de représentations stimule la sagesse. Tout, y compris la terre et les pierres peuvent la stimuler.

De la même façon, quel que soit le nombre de représentations, la sagesse en fera son affaire. C'est encore comme de la neige tombant sur un lac, dès qu'elle tombe dans le lac, elle devient de la même essence (sct. rasa) que le lac.

De même, toutes les représentations, dès leur émergence, partagent la même essence que le Naturel (sct. sahaja). C'est comme lorsqu'on revoit une vieille connaissance. Quand on rencontre [par hasard] une vieille connaissance, on n'a pas besoin d'investiguer si c'est elle ou pas. De la même façon, on n'a pas besoin d'investiguer les représentations, pour les reconnaître comme l'inengendré.

Voilà les explications de mon Ami Tcharioua.

***

[1] Ces instructions de lCags ri ba se trouvent également dans La transmission de la double armure du Sceau universel (phyag chen go cha gnyis kyi man ngag) p.458 W23439-1749-eBook. pdf (448 - 460). Là, Gampopa les qualifie d'instructions de valorisation (tib. lam khyer).

[2] sNyog pa = 'ded pa, poursuivre, phyi snyog pa, poursuivre en arrière = retracer

La réintégration du Naturel I (texte)



La réintégration du Naturel I[1].

La réintégration du Naturel est l'intégration à l'aide d'une double armure : l'armure de la vue (sct. dṛṣṭi) et l'armure de la sagesse (sct. prajñā).

1. L'armure de la vue

1.1. la caractéristique de la perception, 1.2. la caractéristique de l'agent, 1.3. la caractéristique des particularités, 1.4. la caractéristique de l'essence.

1.1. La caractéristique de la perceptionC'est la sagesse qui connaît les caractéristiques de la pensée. À savoir, le fait qu'elle est inengendrée correspond au corps réel (sct. dharmakāya). Le fait qu'elle est infinie correspond au corps symbolique (sct. sambhogakāya). Le fait qu'elle ne dure pas correspond au corps fonctionnel (sct. nirmāṇakāya). La diversité qui se déploie à l'intellect qui accède à ce triple corps est inexprimable (sct. nirabhilāpya). Mais son essence non-identifiable n'est pas un objet intellectuel. C'est le corps essentiel (sct. svābhāvikakāya).
Reconnaître ces caractéristiques de la pensée comme le quadruple corps, est la caractéristique de la sagesse.

1.2. La caractéristique de l'agent[2]
Les représentations sont le quadruple corps, mais en absence d'un agent, la nature des choses devient comme une illusion.[3]

1.3. La caractéristique des particularités
Comme toutes les représentations sont la nature de la pensée, il faut les reconnaître comme le quadruple corps et ne pas les rejeter.

1.4. La caractéristique de l'essentialité
Les représentations se déploient spontanément comme le quadruple corps, dès l'origine. Ainsi, en comprenant qu'aucune chose n'échappe aux quatre caractéristiques, on est muni de l'armure de la vue.


2. L'armure de la sagesse

Se placer en la posture du diamant (sct. vajrāsana), dresser le corps, fixer le bout du nez du regard, et placer les mains ensemble. Après avoir adopté ces [quatre] sceaux, [réciter] :
« Afin de réaliser l'état d'éveil pour le bien des êtres, je développerai ce principe profond. »
Pensant ainsi, on développe la motivation de l'éveil.

L'oeil de la sagesse regarde la pensée.
En mots :
« Inengendrée, infinie, et sans durée, la pensée n'a pas de réalité concrète. »
Ainsi, en répétant trois fois la formule, on développe la sagesse de l'étude.

Pour ce qui est du sens de ces mots, la pensée n'a jamais été engendrée. Même si un jour elle s'arrêtait, elle s'arrêterait, mais sans que l'arrêt ait une cause. Même si elle durait, combien de temps durerait-elle ? Du fait qu'elle n'est ni engendrée, ni détruite elle ne peut pas durer. Elle n'a pas de réalité concrète. Comme aucune forme, ni couleur ne peut être vérifiée, on acquiert la certitude qu'elle n'a aucune consistance, ni identité.
C'est la sagesse qui provient de la réflexion.

Quand on comprend le sens ainsi obtenu, l'intelligence (tib. sems pa), semblable au centre parfaitement pur de l'espace insaisissable, est la sagesse qui provient de la méditation.
À ce propos, si, s'étant dispersé, des représentations se produisent, et que l'on se demande ce qu'il faut faire, il faudra en regarder l'essence, sans les rejeter par la volonté.

[Les représentations] sont nécessaires. Regarde-les avec une grande bienveillance. Considère-les comme indispensables. Pourquoi cela ? Parce que toutes les qualités y sont naturellement présentes, elles sont des représentations inhérentes de leur essence. C'est ainsi que l'on intègre les représentations, et que les représentations s'éteignent et se purifient d'elles-mêmes.

Par exemple, tout comme la glace fond dans un lac, ou que les nuages se dissipent dans le ciel, tout ce qui est une qualité apparaît de lui-même sans s'arrêter. Quand on a compris qu'il s'agit d'un effet temporaire, on développe la force de la sagesse graduellement, de la façon suivante :

1. réintégration de la concentration unifiée (sct. ekāgra)
2. réintégration de l'absence de complexité (sct. aprapañca)
3. réintégration de la saveur unique (sct. ekarasa) de la multiplicité
4. réintégration du recueillement (P. samāpatti) universel [4]

***

[1] Les deux textes avec ce titre font partie de La transmission de la double armure du Sceau universel (tib. phyag chen go cha gnyis kyi man ngag), attribuée à Gampopa. Ils font partie de son œuvre complète (tib. gsung ‘bum).

[2] 1.2 et 1.3 sont inversés dans cette présentation. J’ai corrigé leur position, aussi par rapport au deuxième texte sur le même sujet.

[3] La nature des choses se cache dans la Nature.

[4] Mieux connue sous le nom de « non-méditation ». Il s’agit ici des « quatre yogas » de la mahāmudrā.



Texte tibétain Wylie

lhan cig skyes sbyor ni go cha gnyis kyis lam du ‘khyer te/ lta ba’i go cha dang/ shes rab kyi go cha’o/

1. [lta ba’i go cha]1. dang po ni/ 1. shes pa’i mtshan nyid dang/ 2. khyad par gyi mtshan nyid dang/ 3. byed pai’ mtshan nyid dang/ 4. ngo bo’i mtshan nyid do//

1.1. shes pa’i mtshan nyid/ shes rab kyis sems kyi mtshan nyid shes par bya ste/ skyes ba med pa chos sku/ ‘gag pa med pa longs sku/ gnas pa med pa sprul sku shes par bya’o/ sku gsung rtogs pa’i blo la sna tshogs brjod du med pa’o/ ngo bo ngos bzung dang bral ba blo’i yul las ‘das pa ste/ ngo bo nyid kyi sku’o/ sems kyi [451] mtshan nyid sku bzhir ngos ‘dzin pa de shes pa’i mtshan nyid yin no/

1.2. khyad par mtshan nyid ni/ rnam rtog byung tshad sems nyid yin pas mi spong bar sku bzhir shes par bya’o/

1.3. byed pa’i mtshan nyid ni/ rtogs pa sku bzhi yin yang/ byad pa po med par chos nyid sgyu ma lta bur ‘gro yi/
1.4. ngo bo nyid kyi mtshan nyid ni/ rtogs pa gdod ma nas sku bzhir lhun gyis grub pa yin te/ de ltar chos thams cad mtshan nyid bzhi las ma ‘das par shes pa dang/ lta ba’i go cha’o/

2. shes rab kyi go cha ni/
rdo rje skyil krung bca’/ lus bsrang/ mig sna rtser phab/ mnyam pa nyid kyi phyag rgya byas la/ sems can gyi don du rdzogs pa’i sangs rgyas thob pa bya ba’i phyir/ zab mo’i don ‘di bsgom par bya’o//snyam du sems bskyed par bya’o//
shes rab mig ni sems la lta/ tshig tu/ : « skye ba med pa/ ‘gag pa med pa/ gnas pa med pa/ sems dngos po med pa’o/ » zhes [452] lan gsum brjod pa ni thos pa’i shes rab bo//
de’i don ni/ sems de ye nas skye ma myong/ nam zhig ‘gags na yang ‘gags te ‘gags pa’i rgyu med/ gnas na yang dus ci tsam gnas te/ skye ‘gag med pa nyid kyis gnas pa med/ dngos po med de/ dbyibs dang kha dog tu grub rgyu med pas/ dngos po ngos bzung thams cad dang bral bar nges shes skyes pa ni/ bsam byung gi shes rab bo// thob pa’i don de shes te/ nam mkha’ (ngos bzung thams cad dang bral ba/) rnam par dag pa’i dkyil lta bu la sems pa ni/ sgom byung gi shes rab bo//
de yang/ yengs pa la rnam rtog byung na ji ltar bya snyam na/ blos mi spong bar snying du sdug par blta/ dgos par bya/ sku drin che bar blta/ med du mi rung bar blta/ de ci ste zhe na/ yon tan thams cad kho rang la rang chas su yod pa/ ngo bo nyid kyi rtog pa yin pas so//

de ltar rtog pa lam du khyer bas/ rtog pa rang zhi rang dag tu ‘gro/ dper na/ [453] mtsho la ‘khyag pa zhu ba’am/ nma mkha’ la sprin dengs pa bzhin du song/ yon tan kyi chos su gyur pa tahms cad ‘gag pa med par shugs kyis ‘byung ba de/ gnas skabs kyi ‘bras bu yin par shes par byas la/ gong nas gong du shes rab kyi rtsal sbyang ngo/
de lta bu de/
1. rtse gcig gi rnal ‘byor/
2. sprod bral gyi rnal ‘byor/
3. du ma ro gcig gi rnal ‘byor/
4. mnyam bzhag chen po’i rnal ‘byor yin no//